Je m’appelle Danielle Hnatyshyn, je suis travailleuse sociale de formation et psychothérapeute. Je me souviens du moment où j’ai appris que je pouvais avoir une carrière en relation d’aide. J'étais étonnée et ravie ! En tant que personne qui a une grande empathie et un grand désir d’aider les autres, je savais que le travail social était la carrière pour moi. Je vibrais avec excitation ! Je ne pouvais penser à une autre carrière qui serait plus adaptée pour la personne que je suis. Je travaille dans le domaine d’intervention social depuis la complétion de mon programme d’étude, il y a 16 ans. J’ai eu l’occasion de travailler auprès d'une variété de personnes, vivant avec de nombreux défis personnels, interpersonnels et sociaux.
C’est en juillet 2018 que j’ai commencé un nouveau poste d’intervenante au Centre Novas - CALACS francophone de Prescott-Russell. Le Centre Novas est un centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Le Centre Novas travaille à l’élimination de la violence à caractère sexuel faite aux femmes et aux jeunes d’expression française, dans toute leur diversité, tout en œuvrant à l’atteinte des droits à l’égalité des femmes. Nous assistons les femmes francophones survivantes et/ou victimes d’agressions à caractère sexuel, en créant un endroit où toutes ces femmes peuvent être validées et comprises dans ce qu’elles vivent et ce qu’elles ont vécu. Nous soutenons ces femmes dans la reprise de leur pouvoir sur leur corps, leur esprit, leur vie en entier. C’est un mandat puissant et un qui me tient à cœur. C’était donc avec grand enthousiasme que je me suis lancé dans ce poste, cette nouvelle aventure, d’aider et de soutenir ces femmes survivantes d’agression à caractère sexuel.
Je savais que travailler auprès de femmes survivantes d’agression à caractère sexuel était pour avoir ses défis. Je m'attendais à entendre des histoires difficiles - même des histoires d’horreurs - et je me suis préparée à ce que je sois, d’une façon ou d’une autre, touchée par les histoires de ces femmes et touchée par les difficultés journalières qu’elles doivent vaincre dû au trauma de leur agression sexuelle. Je croyais que la partie la plus difficile de mon travail allait être le trauma de ces femmes; leurs histoires et voir la souffrance qu'elles vivent, mais à ma grande surprise, c’était quelque chose de complètement différent qui est devenu mon plus grand défi. L’aspect du travail qui est le plus difficile est aussi l’aspect que je croyais être le plus facile : travailler auprès des systèmes qui entourent la femme survivante.
Le plus grand défi auquel je fais face dans mon travail est le manque de compréhension des différents systèmes à l’égard des victimes et survivantes d'agression sexuelle.Ce manque de compréhension et de soutien a un énorme impact sur ces femmes. Une des parties les plus importantes dans le processus de guérison est d’être crue et d’être prise au sérieux. C’est également important que les sentiments et comportements difficiles causés par l'agression sexuelle soient validés et normalisés. La femme doit être rassurée que l’agression n'était pas de sa faute, elle doit se sentir à l’aise de partager son histoire difficile et elle doit être supportée dans son cheminement de guérison. Pour ce faire, elle doit avoir un bon réseau de support. Essentiellement, la façon dont nous nous comportons envers la victime lors de son dévoilement et tout au long de son cheminement a un impact sur son processus de guérison.
Demander à une victime « est-ce que t’es sure que tu t’es fait violé ? », « pourquoi ne l'as-tu pas dit à la police ? » ou encore « pourquoi es-tu restée ami avec ? », sont des questions qui déresponsabilisent l’agresseur et banalisent les gestes qu’il a commis; attribuent le blâme à la victime; amènent la victime à douter d’elle-même et de son expérience. Déjà qu’une victime a tendance a vivre beaucoup de blâme, de honte et de culpabilité suite à l’agression, ces réactions face à la victime ne l’aident pas ! En effet, ces réactions peuvent revictimiser la femme et cause plus de tort. Malheureusement, j'ai reçu de nombreux témoignages de femmes ayant vécu des réactions de la sorte et j'ai moi-même été témoin de telles réactions de la part de différents professionnels.
J’ai aussi appris que ces systèmes ne se rendent pas compte qu'une forme d’agression sexuelle n’est pas moins ou plus « pire » qu’une autre. Un attouchement sexuel qui arrive une fois peut engendrer les mêmes impacts que des attouchements répétitifs. Une agression sans toucher physique peut avoir les mêmes impacts qu'une agression avec un toucher physique. Nous assumons qu’une femme agressée agira d’une certaine façon, qu’elle aura des sentiments spéficiques envers son agresseur, qu’elle se souviendra de tous les détails de cet incident, qu’elle aura un dégout pour le sex et ne s’intéressera plus aux relations sexuelles, qu’elle se présentera à l’hôpital pour faire une trousse médico-légale, qu’elle contactera immédiatement la police pour faire une plainte, qu’elle va se débattre et se défendre lors de l’agression… mais ce n’est pas toujours le cas !
Bien que mon rôle principal est d’intervenir auprès des victimes et survivantes, une grande partie de mon travail consiste à revendiquer les droits de ces femmes au sein de ces différents systèmes. Je m’attendais que ces systèmes soient des alliés pour les victimes, je n’étais pas prête à apprendre que les mythes et les fausses croyances sont également perpétués par des systèmes qui sont supposés aider la victime. Ceci pour moi cause un sentiment de désespoir ! Comment puis-je encourager une femme à dénoncer son agression sexuelle à la police quand je sais qu’il y a de grandes chances qu’elle fera face à un système qui la revictimisera ? Comment puis-je réconforter une femme qui s’est faites dire par un.e intervenant.e “peut-être que tu n’as pas vraiment subi une agression sexuelle” ?
Il reste beaucoup de sensibilisation et d’éducation à faire dans tous les secteurs et les systèmes de la société si nous voulons éliminer l’agression sexuelle et soutenir les victimes / survivantes.
Pour les professionnel.le.s, membres de la famille, et ami.e.s de personne victime ou survivante d’agression à caractère sexuel qui aimeraient savoir comment être plus aidant.e.s : informez-vous ! Informez-vous sur les impacts des agressions sexuelles. Croyez la femme qui partage l’information sur son agression et demandez-lui comment vous pouvez l’aider. Ne lui demandez pas pourquoi elle n’a pas réagit d’une certaine manière ou pourquoi elle ne se sent pas d'une certaine façon. Nous devons tous travailler ensemble ! Les survivantes ont besoin de vous pour les supporter dans leur guérison ainsi que les intervenantes qui travaillent en agression sexuelle auprès de ces femmes !
Si vous avez des questions au sujet de l’agression à caractère sexuel, n'hésitez pas à communiquer avec le Centre Novas CALACS - francophone de Prescott-Russell ou le CALACS le plus près de chez vous. Pour les femmes survivantes ou victimes d’agression à caractère sexuel : vous n’êtes pas seules!
Je vais continuer à lutter contre la violence faite aux femmes et à travailler auprès des femmes victimes / survivantes d’agression à caractère sexuel en espérant de les soutenir dans leur cheminement vers la guérison. Ma question à vous est : qu'allez-vous faire maintenant pour mieux soutenir une victime?
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