L'art thérapeutique

Je ne vous apprends sûrement rien lorsque je vous dis que les agressions sexuelles ont des conséquences dans la vie d’une femme.  

Ce que plusieurs ne savent pas, en revanche, c’est que les conséquences psychologiques d’une agression sexuelle, comme l’anxiété ou la dépression, peuvent aussi se présenter de façon physique, ce que l’on appelle les symptômes « psychosomatiques ». Par exemple, la survivante peut avoir des problèmes digestifs, des douleurs musculaires, de l’insomnie, etc.  

La femme survivante d’agression sexuelle peut aussi rencontrer des difficultés dans ses relations sociales. Elle peut être très méfiante des autres, s’isoler, voir un changement dans son caractère, ou elle peut se retrouver dans des relations toxiques.  

Finalement, la femme survivante d’agression sexuelle peut avoir des émotions enfouies en elle et de la difficulté à connecter avec son propre corps, ce qui peut vouloir dire une difficulté à voir le lien entre ses symptômes et son expérience, ou une faible estime de son image corporelle. Elle peut aussi avoir de la difficulté à parler de ses émotions, ou même à les nommer, et peut ressentir une grande honte ou culpabilité. Le traumatisme comme une agression sexuelle affecte le cerveau d’une façon toute particulière : il peut causer des trous de mémoire, car le cerveau reptilien (l’instinct de survie), bloque certains détails ou événements pour protéger la personne et lui permettre de survivre psychologiquement et physiquement au traumatisme. Cet élément de l’instinct de survie est en fait le quatrième aspect moins connu du « fight, flight or freeze » : il s’appelle le « fawn ».  

C’est bien beau tout ça…mais comment est-ce que dessiner ou coller des trucs sur un papier aide mon cerveau à guérir d’un traumatisme comme l’agression sexuelle? 

D’emblée, l’art thérapeutique offre un espace sans-jugement qui ne cherche pas la perfection ou la performance. Cette liberté complète d’expression permet de s’exprimer lorsque les autres formes de thérapie, comme la thérapie traditionnelle par la parole, ne fonctionnent pas pour nous.  

Mais, plus que cela, l’art régule le système nerveux et nous permet d’accéder à la partie du cerveau qui pense clairement. En observant et en analysant ses propres œuvres, la femme peut reconnaître des symboles, des couleurs, ou des images qui lui permettent de se souvenir d’événements traumatisants que le cerveau reptilien avait bloqués en guise de protection. L’art peut aider la femme à identifier certaines émotions qu’elle avait de la difficulté à nommer auparavant, ou à se rendre compte d’émotions refoulées. Cela lui permet de faire des liens avec son expérience et de pouvoir en parler pour se défaire de la honte et de la culpabilité qu’elle peut ressentir.  

L’un des aspects les plus importants de l’art thérapeutique, c’est l’aspect sensoriel. Comme la relation entre la femme et son propre corps est souvent perturbée après une agression sexuelle, cette partie de l’art thérapeutique est essentielle. Il est aussi important de se souvenir que la mémoire est puissante : le corps se souvient de choses dont notre cerveau ne se souvient pas. Utiliser ses cinq sens en art thérapeutique permet à la femme de se reconnecter avec son corps par les sensations qu’elle a en peignant avec les doigts, en sculptant, ou en utilisant différentes textures, par exemple. Parfois, ces sensations permettent au cerveau de se souvenir d’événements ou de détails de l’agression à caractère sexuel. L’art thérapeutique permet donc de communiquer comment on se sent physiquement par l’art, même si on n’a pas les mots pour le décrire, mais aussi de guérir de souvenirs douloureux. Le travail avec les mains et les sens peut aider la femme à trouver des stratégies d’ancrage et de relaxation pour gérer son anxiété, mais aussi de comprendre la relation entre ses symptômes physiques et son expérience traumatique.  

Finalement, l’art thérapeutique permet à la femme de s’affirmer, de retrouver confiance en ses compétences et en son pouvoir, et de retrouver sa voix. Ces techniques peuvent permettre à la femme de se libérer de ses expériences traumatiques et d’apprendre à en gérer les symptômes, tout en regagnant son propre pouvoir et sa confiance en elle. 

Nous parlons d’agression sexuelle ici, mais l’art thérapeutique peut être utile pour tous les types de traumatismes, et même pour les personnes qui n’ont pas vécu de traumatismes!  

Je vous encourage à explorer des activités d’art thérapeutique, comme celui que je vous propose ici, et à observer comment vous vous sentez avant, pendant et après. Matériel: 

• Un item de votre choix pour faire des marques : crayon, stylo, marqueur, peinture, pastelle, par exemple. 

• Papier ou carton 

  
  

Fermez les yeux. Prenez quelques grandes respirations. Placer votre crayon sur le papier, et, avec les yeux fermés, portez attention à votre respiration. Est-elle profonde ou légère? Rapide ou lente? Difficile ou facile? En portant toujours attention à votre respiration, laissez celle-ci guider votre main. Sans penser, sans réfléchir, laissez votre main se déplacer sur le papier en suivant votre respiration. Après quelques minutes, ouvrez les yeux. Pourquoi avez-vous choisi cette couleur ou ce type de crayon/marqueur? Qu’est-ce qui vous attirait dans ce choix de média spontané? Qu’est-ce que vous remarquez de votre œuvre? Les lignes sont-elles courbées, angulaires, droites, mélangées? Comment vous êtes-vous senties pendant l’exercice, physiquement et mentalement? Qu’est-ce que tout cela vous dit sur vous, sur votre état d’esprit, sur ce que vous vivez ou avez vécu?